• Boykott deutscher Waren: de quoi réfléchir pour tenir le coup en France, après l'attaque prévue

    article sur http://reseau.dynamique-frontdegauche.fr/article/boykott-deutscher-waren

    Boykott deutscher Waren

    Le dispositif Merkozy a des conséquences catastrophiques sur les pays européens dénoncées par de nombreux économistes de hauts niveaux.

    Cependant, tout gouvernement ou tout mouvement populaire qui voudra s'y opposer devra affronter l'extraordinaire puissance de manipulation des marchés acquise par la Banque Centrale Européenne.

    Il serait d'autant plus difficile de négocier avec elle qu'elle est imprégnée, comme la classe dirigeante allemande, d'une idéologie conservatrice, l'ordolibéralisme, qui les empêche de tenir compte des conséquences de l'interdépendance entre les politiques budgétaires des États européens.

    Je propose une solution pour les obliger à négocier : lancer un mouvement de boycott des produits allemands à l'échelle européenne. Seul le Front de Gauche serait en mesure de le faire du fait de la qualité économique de ses critiques du dispositif Merkozy, de son appel à la prise du pouvoir par les citoyens et du succès de la campagne de Jean-Luc Mélenchon.

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    Le retour des taux d'intérêt des emprunts à dix ans des États espagnol et italien à des niveaux généralement considérés comme insupportables à moyen terme confirme s'il le fallait que le dispositif imposé à la zone euro par Angela Merkel et la Banque Centrale Européenne (BCE) avec le soutien de Nicolas Sarkozy est une « folie criminelle » selon la formule de Paul Krugman, prix Nobel états-unien d'Économie1. Comme tout le monde peut le constater, il est stupide de prétendre réduire le déficit budgétaire d'un État en imposant à l'ensemble des pays membres de la zone économique dont il fait partie une austérité telle que non seulement ses recettes fiscales vont s'effondrer, mais encore les entreprises dont les impôts contribuent à son budget ne pourront pas profiter de cette rigueur pour relancer leurs exportations.

    Plus fondamentalement, Merkozy et la BCE ont fait la considérable erreur de n'attribuer la crise européenne qu'à des raisons budgétaires, alors qu'elle était principalement la conséquence du déséquilibre des balances des paiements et de la divergence entre les productivités, eux-mêmes grandement favorisés par la rigidité du dispositif d'origine de la zone Euro. Par ailleurs, la combinaison des cures d'austérité extrême et de l'obsession maladive de la lutte contre l'inflation bloque toute velléité de relance et génère de graves distorsions structurelles du fait de la rigidité à la baisse des revenus nominaux, tout en suscitant des mesures de plus en plus autoritaires et de plus en plus inadéquates : il est moins facile d'imposer bureaucratiquement des baisses de revenus universelles, socialement légitimes et conformes à la logique du marché à l'ensemble de la population d'un pays dont le taux d'inflation est inférieur à 2 % que de limiter la croissance des revenus nominaux à un taux inférieur à celui de l'inflation, si celui-ci est de l'ordre, par exemple, des 4 % préconisés par l'économiste en chef du FMI2 dans un article qui avait suscité l'ire du gouvernement allemand et avait été traité « d'erreur satanique » par la BCE3. J'arrête là cette liste non exhaustive des critiques du dispositif Merkozy, dont de multiples experts ont déjà dénoncé les méfaits.

    On sait également que la BCE a obtenu de Merkozy et des autres dirigeants européens le droit d'imposer aux gouvernements leur politique jusqu'au moindre détail, bafouant ainsi les principes élémentaires de la démocratie. On sait moins, par contre, qu'elle s'est arrogée également le droit de se substituer aux marchés, de leur imposer sa volonté ou de ne pas tenir compte de leurs opinions, dans des conditions très similaires à celles qui ont permis depuis 2005 au Conseil Européen et à la Commission européenne de se substituer aux procédures démocratiques, d'imposer leur volonté aux peuples européens et de ne pas tenir compte de leurs opinions.

    On sait, bien sûr, que la BCE a prêté environ 1.000 milliards d'euros aux banques européennes à des taux fort avantageux en les chargeant de prêter une part de cette somme à des taux largement supérieurs aux États membres de la zone Euro selon des critères dont elle peut contrôler la définition et la mise en œuvre du fait de la dépendances des banques à son égard. On sait moins qu'elle peut utiliser un autre moyen autrement plus coercitif : lorsqu'elle prête de l'argent aux banques, celles-ci doivent déposer une garantie constituée traditionnellement d'obligations souveraines, c'est-à-dire de titres émis par les États de leurs pays d'origine. Or, elle accepte ces titres selon ses propres critères, indépendamment de leurs valeurs sur les marchés et de leurs notations par les agences spécialisées. Par exemple, les titres grecs ont presque tout le temps été admis en garantie, sauf pendant une brève période entre la conclusion des dernières négociations avec le gouvernement et la mise en œuvre de ses engagements.

    Comme l'a écrit un membre du groupe des éconoclastes « Ce ne sont pas les marchés qui imposent leur loi : ils ne sont que l'instrument de la BCE »4, sans qu'il soit toujours possible de comprendre que ce sont ses dirigeants et non les marchés obligataires qui ont provoqué des attaques contre un État récalcitrant, comme l'a fait remarquer un autre économiste5.

    Ainsi, quiconque veut mener une politique non conforme aux principes de la BCE et au dispositif de Merkozy devra d'abord affronter le petit groupe très homogène des six membres du directoire de la BCE qui peut réagir en une demi-journée sans avoir de comptes à rendre à quiconque. Ses capacités de nuisance sont autrement plus terrifiantes que celles des marchés financiers dont les intervenants sont plus hétérogènes et peuvent avoir des intérêts contradictoires, ou que celles des agences de notation dont les processus de décision sont plutôt longs et tendent à avaliser les sentiments dominants des dits marchés.

    Ce ne sera pas une guerre de position que déclenchera le petit commando fanatisé de la BCE contre les États ou les mouvements populaires récalcitrants, mais une guerre-éclair dans le cadre de laquelle il pourra faire passer en quelques jours le coût de leurs emprunts de 2 % - 3 % (pour prendre le cas des obligations à dix ans) à la limite fatidique d'environ 6 % au-dessus de laquelle on considère généralement qu'un État européen devient insolvable dans les conditions actuelles. Cette extraordinaire puissance a été illustrée en 2011 par la rapidité avec laquelle Silvio Berlusconi a été forcé à démissionner dès lors qu'il a ralenti la présentation des « réformes » auxquelles il s'était engagé6. Le personnage était certes peu ragoutant, mais la méthode de son éviction ne l'était pas moins.

    La BCE sera d'autant moins encline à la moindre discussion ou négociation avec les gouvernements ou les mouvements populaires contestataires que ses principes sont fondés comme ceux de la Bundesbank sur une idéologie typiquement allemande, l'ordolibéralisme, qui combine les principes de l'économie libérale à une morale conservatrice. D'ailleurs, son actuel président, Mario Draghi, n'a été nommé à ce poste que parce qu'il était perçu comme le plus allemand des Italiens.

    À l'aune de l'ordolibéralisme, les mécanismes qui ont conduit aux déséquilibres des balances des paiements des pays de la zone euro et aux divergences de leurs productivités sont absolument incompréhensibles7 et l'analyse des conséquences de l'interdépendance entre les politiques budgétaires des États européens n'est qu'un prétexte fallacieux pour excuser les peuples qui ont failli. C'est pourquoi, Merkel et la BCE ne peuvent donner à la crise européenne qu'une explication budgétaire, aussi aberrante puisse-t-elle apparaître quand on regarde les chiffres : par exemple, l'excédent budgétaire et l'endettement de l'Espagne soi-disant dépravée s'élevaient en 2007 à, respectivement, 1,9 % et 27 % du PNB, tandis que ceux de la soi-disant vertueuse Allemagne atteignaient alors 0,3 % et 50 % (certes, la situation budgétaire de l'Espagne est aggravée par les déficits régionaux, mais ils ne sont pas tels qu'ils justifieraient les insultes dont son peuple et son gouvernement sont actuellement l'objet de la part de Merkozy, d'autant plus que la situation financière de certaines régions françaises et de certains Länder allemands8 n'est pas non plus très flamboyante).

    Cet ordolibéralisme imprègne profondément la BCE et l'ensemble de la classe dirigeante allemande, à l'exception de Die Linke. C'est pourquoi un changement de gouvernement ne changerait pas grand chose à la politique mise en œuvre par Angela Merkel jusqu'à présent, selon deux spécialistes allemands des relations européennes9.

    Il est donc naïf de croire qu'il sera possible de négocier avec la BCE ou avec le gouvernement allemand, de leur faire comprendre que leur intérêt n'est pas que l'Europe crève à petit feu, de leur demander de se conformer à la volonté des peuples européens, ou même d'invoquer des dispositions juridiques susceptibles de justifier l'allègement de la rigueur qu'ils nous imposent. Ils ne négocieront que si on peut les menacer d'une action susceptible de compromettre leurs intérêts aussi immédiatement et aussi violemment que les nôtres le sont par leurs manipulations des procédures démocratiques et des mécanismes de marché.

    Nous n'avons aucun moyen de menacer la BCE tant que le gouvernement allemand la soutiendra. Par ailleurs, il me semble qu'aucune des mesures envisagées par le seul mouvement qui a envisagé sérieusement la question, le Front de Gauche, ne pourra faire plier l'alliance de la BCE et du gouvernement allemand, parce qu'elles ne prennent en compte ni l'implacable pouvoir discrétionnaire de la première, ni la prégnance de l'idéologie ordolibérale sur le second.

    Par contre, nous disposons d'une arme de destruction massive à l'égard de la classe dirigeante allemande qui pourrait l'obliger à abandonner en quelques semaines ses exigences et forcer la BCE à faire preuve de plus d'ouverture d'esprit : l'appel au boycott des produits allemands par tous les peuples européens. Il ne menacerait pas simplement le chiffre d'affaires des industriels de ce pays, il pourrait aussi anéantir en quelques semaines leurs images de marque patiemment construites depuis des décennies.

    Une association de consommateurs grecs a déjà lancé ce mot d’ordre10, mais le peuple d'un seul pays ne pourra pas faire plier la puissante Allemagne en boycottant ses produits, ne serait-ce que parce que ses citoyens s'exposeraient à des mesures de rétorsion. C'est pourquoi, je propose de donner un titre allemand à cette campagne pour que tous les autres peuples européens puissent se l'approprier : « Boykott deutscher Waren » (Boycott des produits allemands).

    Un tel appel n'aurait pas été crédible si le candidat du Front de Gauche en était resté aux niveaux confidentiels auxquels la gauche de gauche était accoutumée. Ce n'est plus le cas maintenant.

    Jean-Luc Mélenchon appelle chacun d'entre nous à prendre le pouvoir. C'est le moment ou jamais d'appliquer ce beau mot d'ordre en chargeant chacun des citoyens-consommateurs européens de la responsabilité de sauver l'Europe de la misère dans laquelle la folie criminelle de Merkozy risque de la plonger pendant une décennie.

    1Paul Krugman « Austerity and Growth » February 18, 2012 http://krugman.blogs.nytimes.com/2012/02/18/austerity-and-growth/

    2Blanchard, Olivier, Giovanni Dell’Ariccia and Paolo Mauro (2010). « RethinkingMacroeconomic Policy », IMF Staff PositionNote, SPN/10/03, 12 February 12. http://www.imf.org/external/pubs/ft/spn/2010/spn1003.pdf

    3Uri Dadush and Moisés Naím « End this ‘inflation fundamentalism’ » The Financial Times March 4 2010.

    4Alexandre Delaigue « Le jeu dangereux de la Banque Centrale Européenne » mardi 22 novembre 2011 http://econoclaste.org.free.fr/dotclear/index.php/?2011/11/22/1875-le-jeu-dangereux-de-la-banque-centrale-europeenne

    5Steve Randy Waldman « The Eurozone’s policy breakthrough? » 17-Dec-2011 http://www.interfluidity.com/v2/2617.html.

    6Alexandre Delaigue op. cité.

    7Sebastian Dullien and Ulrike Guérot « The long shadow of ordoliberalism: Germany´s approach to the euro crisis » 2012 https://live2.nfpservices.co.uk/ecfr/sites/all/modules/civicrm/extern/url.php?u=2353&qid=236224

    8http://www.droitpublic.net/spip.php?article3127

    9Sebastian Dullien and Ulrike Guérot op. cité.

    10http://www.sueddeutsche.de/politik/boykott-deutscher-waren-1.1289326

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