• Où va le Mali ?

    par Hocine Belalloufi, article à voir sur http://www.lanation.info/Ou-va-le-Mali_a1344.html

    Où va le Mali ?

    samedi 8 septembre 2012, par siawi3

    Hocine Belalloufi

    Mardi 4 Septembre 2012

    Source  :http://www.lanation.info

    L’assassinat non encore confirmé officiellement à Alger d’un otage algérien détenu par les rebelles du Mujao et la prise de Douentza par les combattants de ce même mouvement islamiste replacent le Mali au centre de l’attention internationale.

    Au départ, en mars 2012, la crise politique malienne se présentait sous les traits d’un pays divisé en deux. Au Nord, une vaste province et sa population délaissées depuis des années par un pouvoir central situé au Sud se rebellaient et proclamaient l’indépendance et la naissance d’un nouvel Etat : l’Azawed. Au Sud, un pouvoir en crise s’avérait impuissant à juguler l’offensive triomphante des Touaregs menée par le Mouvement national de libération de l’Azawed (MNLA).

    Mais les choses s’avérant toujours plus complexes qu’il n’y paraît, les deux aspects de cette contradiction Nord/Sud étaient, pour chacun d’entre eux, une contradiction. Celle du Nord opposait les touaregs sécessionnistes plus ou moins démocrates et laïcs du MNLA aux islamistes d’Ansar Eddine et d’Aqmi qui entendaient pour leur part imposer l’application de la charia dans tout le Mali. Celle du Sud opposait un Président de la république élu et son régime finissants à des sous-officiers et soldats mécontents de l’impuissance de Bamako face à l’offensive nordiste. Résultat : une junte militaire renversa le président Amadou Toumani Touré (ATT). Pour être plus ou moins complet, ce tableau doit intégrer les intrigues d’autres Etats de la région (pays d’Afrique de l’ouest, Libye, Arabie saoudite…) ainsi que les intérêts et ingérences plus ou moins grossières de grandes puissances impérialistes extra-africaines (France, Etats-Unis…). Le tout sur fond de crise économique et sociale provoquée et aggravée par les politiques néolibérales imposées par les institutions capitalistes du Nord (FMI, Banque mondiale et les Etats du G7).

    Les lignes bougent

    Aujourd’hui, la situation a évolué. Le retrait de la junte militaire et l’imposition par les Etats voisins d’Afrique de l’ouest d’un président de la République et d’un Premier ministre intérimaires non élus n’ont pas résolu la crise politique à Bamako. La proclamation récente d’un « gouvernement d’union nationale » n’a toujours pas débouché sur la reconstruction de l’Etat central malien et, en premier lieu, de son armée en décomposition. Les conditions d’une réconciliation ou, à tout le moins, d’un dépassement de la crise politique au Sud sont-elles réunies aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr.

    Au Nord, les islamistes – qui se sont avérés divisés en plusieurs formations : Ansar Eddine mais aussi Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique (Mujao) – ont pris le contrôle des principales villes (Gao, Tombouktou, Kidal), chassé les combattants du MNLA et proclamé l’instauration de la charia. Ne s’inscrivant pas dans la perspective d’un Etat touareg, ils affirment leur volonté d’instaurer la charia dans tout le Mali.

    Profitant de la décomposition politique apparente d’un régime miné par la corruption, les islamistes du Nord ont lancé une offensive militaire dans la zone Sud du pays formellement sous contrôle de Bamako. Traversant la ligne de démarcation qui sépare l’Azawad du Sud du pays, ils viennent de s’emparer, sans combats, de la ville de Douentza, située à 800 km de Bamako. Assistons-nous aux prémices d’une offensive générale des rebelles qui entendent profiter de la situation de troubles politiques dans le Sud et de la décomposition des forces armées qu’elle entraîne pour s’emparer de tout le pays ? Ou s’agit-il d’une simple manœuvre visant à tester les lignes de défense militaire et la capacité de réaction politique du pouvoir central ? On ne devrait pas tarder à le savoir.

    L’impuissance des va-t-en guerre

    Les Etats de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cédéao) menacent depuis plusieurs mois d’intervenir militairement au Mali en déployant une force composée de 3 300 soldats. Menant officiellement, sous la houlette du Burkina Faso, une mission de bons offices entre les différents acteurs de la crise malienne, ils pressent les forces politiques de Bamako (militaires, partis politiques…) de constituer un pouvoir fort à même de partir à la reconquête des vastes territoires du Nord.

    Ces voisins interventionnistes sont vivement encouragés de l’extérieur par les grandes puissances occidentales – en premier lieu les gouvernements français, de droite comme de gauche – qui n’entendent pas engloutir une fortune (400 millions de dollars) dans une intervention directe qui risquerait de s’enliser. La situation s’avère particulièrement délicate car la crise dépasse largement le cadre du seul Mali et touche toute la région. Une intervention militaire occidentale pourrait embraser tout le Sahel.

    Paris se dit prête à parrainer une intervention militaire de la Cédéao auprès du Conseil de sécurité de l’ONU. Des promesses de soutiens financiers et logistiques sont régulièrement annoncées. Des discussions se poursuivent avec le gouvernement d’Abdelaziz Bouteflika pour pousser l’Algérie à intervenir militairement au Mali.

    En attendant, sur le terrain, les islamistes assoient chaque jour un peu plus leur pouvoir au Nord et commencent à poser des jalons dans le Sud.

    Le Mali fait face à une crise politique interne. Aucune force militaire étrangère ne sera en mesure de la régler à la place du peuple malien. Une intervention militaire – régionale ou extracontinentale – risque au contraire de s’embourber dans les sables de la région car elle débordera fatalement du territoire malien. Toute la région du Sahel risque alors d’être déstabilisée. Personne n’en sortirait indemne. Chaque Etat de la région sera touché, au prorata de son investissement politique et militaire dans le conflit.

    Le talon d’Achille des oppresseurs

    La solution aux problèmes du Mali ne viendra pas de l’extérieur. Quelles que soient les difficultés rencontrées pour sa mise en œuvre, elle ne pourra venir que de l’intérieur du Mali. C’est dans la résistance aux oppresseurs, à tous les oppresseurs, qu’émergeront les forces qui viendront à bout de la crise malienne. Ceux qui, au Nord comme au Sud, disposent aujourd’hui de la force des armes, semblent invincibles. Ils ont pourtant un talon d’Achille qui peut, s’il est atteint, les faire chuter. Ce talon d’Achille réside dans l’oppression qu’ils font subir à leur propre peuple, oppression qui engendre des résistances.

    On voit ainsi émerger des forces qui résistent dans le Nord au régime réactionnaire et oppresseur imposé par les troupes d’Ansar Eddine et du Mujao. A Gao, à Tombouctou et à Kidal, des jeunes et des moins jeunes refusent l’instauration d’un pouvoir prétendument islamique qui se réduit à détruire les mausolées des saints traditionnels, à couper la main des voleurs, à lapider les couples vivant hors-mariage et à fouetter les femmes qui ne portent pas le voile ainsi que tous ceux qui fument, s’adonnent au jeu, à la musique

    Dans le reste du Mali, les pouvoirs en place se sont soumis depuis longtemps aux ingérences des Etats voisins, de la France et des Etats-Unis pour favoriser le pillage de leur propre économie, le pompage de ses ressources financières, la mise en coupe réglée de son économie... Les terres, le bétail, les ressources minières et les hommes sont bradés au profit de multinationales et d’institutions financières étrangères. Cette politique néolibérale est appliquée par des régimes compradores corrompus qui ont imposé une thérapie de choc à leur propre peuple. Cela a provoqué une grande crise sociale puis l’effondrement du Nord face au MNLA et aux islamistes. Le pouvoir au Sud a fini par être rattrapé par la crise, ce qui a provoqué l’émergence de forces civiles et militaires qui refusent la descente aux enfers du Mali.

    La solution entre les mains du peuple malien

    La résistance au pouvoir compradore, aux puissances étrangères et aux oppresseurs islamistes prendra du temps car ces forces sont faibles pour l’instant. Mais elles sont, à l’exclusion de toutes les autres, porteuses d’avenir.

    Ces forces peuvent converger autour d’un projet émancipateur, c’est-à-dire véritablement national, social, laïc et démocratique. Contrairement à une idée largement répandue, le Mali n’est pas dépourvu d’atouts économiques. C’est un pays riche de son agriculture, de son élevage, de sa pêche, de ses richesses minières et, surtout, de son peuple. Il dispose des moyens de développer une industrie légère de transformation de ses produits agricoles. Mais il a besoin de se protéger des ingérences des grandes puissances alléchées par ses richesses et sa position géostratégique.

    Le peuple malien a besoin d’un projet répondant aux aspirations de la majorité : travailleurs, agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, chômeurs, étudiants, petits commerçants et artisans… Un projet qui n’impose ni croyances ni rites mais qui respecte au contraire la liberté de conscience et la liberté de culte de chacun. Un projet basé sur l’égalité entre hommes et femmes. Un projet qui reconnait et accorde toute sa place aux différentes cultures, langues et croyances populaires. Seul un tel projet sera en mesure d’intégrer les différentes parties du peuple malien pour en faire une force redoutable sur laquelle viendront se fracasser toutes les tentatives de domination locale et étrangère.

    « l'ex président de la BCE embarrassé! »
    Partager via Gmail Yahoo!

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :