• Conseils pratiques pour cultiver notre autonomie paysanne

    Appel à l'éveil de Marcel Messing

    L e b o n h e u r e s t d a n s l e p r é

    Et si nous

    cultivions

    notre autonomie

    paysanne?

     

     

     vu dans LES RENSEIGNEMENTS GENEREUX - Autodéfense intelectuelle-informations et alternatives.  http://www.les-renseignements-genereux.org/textes/13078

    L’image du paysan est généralement associée aux difficultés économiques et sociales, à l’isolement, à un mode de vie harassant. Bien au contraire, face aux crises écono­miques, écologiques et politiques que nous connaissons actuellement, la multiplication des petites exploitations agricoles est une solution de premier plan. Pour­quoi ? Comment ? Jacques Ady, paysan bio en Rhône-Alpes, nous présente son point de vue.

    Par Jacques Ady

     

    Les deux tiers des actifs de la planète, plus d’un milliard et demi de terriens, sont des paysans. Nous qui habitons un pays où les paysans et les paysannes ont quasiment tous disparus, passant de 7 millions en 1945 à moins de 400 000 aujourd’hui, nous ne savons pas grand-chose de ces peuples dont, à travers l’histoire de l’humanité, nous sommes pourtant tous issus.

    En France, la révolution industrielle a éradiqué par une longue acculturation progressive le mode de vie paysan. En lieu et en place des paysans nous connaissons désormais les “agricul­teurs’’ ou “exploitants agricoles’’. S’ils se réclament parfois des valeurs paysannes, ils en sont généralement très éloignés. L’immense majorité d’entre eux sont devenus les petits rouages d’une gigantesque industrie agro-alimentaire dont la cupidité, le productivisme effréné, la dépendance au pétrole, aux banques, aux subventions étatiques, aux firmes chimiques et bio­technologiques insèrent chaque ferme conventionnelle dans un vaste réseau de dépendances internationales.

    À mes yeux, être paysan revêt une toute autre signification. Non pas une profes­sion spécifique, mais plutôt un mode de vie dans sa globalité. Non pas l’apparte­nance à une classe sociale, mais le fait de se relier à un peuple avec sa culture propre. Une culture intimement liée à une nature proche de l’habitat d’où une population locale tire ses ressources. Une culture dépositaire d’un ensemble de connaissances, facilement trans­missibles, parfois très sommaires mais toujours vitales, permettant de savoir vivre sur un territoire donné.

    Au coeur de cette culture paysanne, il y a l’autonomie. Bien qu’ils soient rarement laissés tranquilles par les pouvoirs en place — l’histoire du XXe siècle illustrant l’acharnement des gou­vernements à enrôler des paysans dans les guerres et les usines —, ces derniers savent généralement se débrouiller sans être reliés et structurés par une autorité centrale. Cette autonomie paysanne, on peut la définir comme la forme d’indépendance développée et maîtrisée à l’échelle locale par les paysans grâce à leur capacité d’autosuffisance matérielle (se nourrir, se loger, s’habiller, s’outil­ler...) et grâce à leur capacité d’auto- organisation sociale locale (se solida­riser, s’entraider, mutualiser les forces, décider ensemble...).

    Dans notre pays capitaliste industrialisé, nous connaissons de moins en moins les principes de l’auto­nomie paysanne, et lorsque nous en entendons parler, il ne nous semble pas que nous en ayons besoin. À quoi bon savoir produire sa nourriture, construire ses outils, s’entraider entre voisins ? La division et la spécialisation à outrance du travail dans une écono­mie où presque tous les échanges sont monétarisés ont fait de l’autosuffisance un principe décalé, éculé et sans intérêt. Les entreprises nous fournissent notre nourriture, nos moyens de déplacement, nos divertissements. La sécurité sociale veille sur notre santé. Les assurances nous protègent des aléas de l’existence. Dans un tel système, l’auto-organisa­tion sociale locale n’est plus ressentie comme nécessaire, l’administration publique centralisée et des sociétés privées se chargeant d’assurer notre intégrité individuelle et notre cohésion sociale, le plus souvent malgré nous.

    Si nous faisons confiance à ces superstructures qui nous font vivre et qui nous orga­nisent, l’autonomie peut en effet paraître une préoccupation inutile, et les savoirs de la paysannerie bien archaïques. Mais si un jour nous avons l’impression d’être pris en otage par un système qui n’hésite pas à spéculer sur nos besoins les plus fondamentaux, la nourriture, le logement, la santé ou l’éducation ; si nous avons l’intime conviction que ce système nous isole, dégrade les relations humaines et nous domine en nous poussant dans les limbes du chacun pour soi ; alors intéres­sons-nous de près aux méthodes de l’autonomie paysanne, en tant qu’alternative pour reprendre nos vies en main.

    Il ne s’agit pas forcément de s’enfuir dans les campagnes profondes ou au som­met des montagnes, comme un retour à la terre aussi radical que caricatural, à la recherche d’une hypothétique pureté - même si, étant donnée la situation actuelle, on peut comprendre cette démarche. Il s’agit plutôt de chercher, comme les paysans, là où l’ont vit, là où l’on peut, une autonomie matérielle, sociale et même politique, afin de s’émanciper du style de vie que l’on nous impose actuellement et avec lequel nous ne sommes plus d’accord.

    Nous pouvons commencer par cultiver des petits jardins, en créant autour des col­lectifs d’échange et d’entraide. C’est là une bien belle façon de commencer à réveiller son coté paysan.

    Mais rien ne nous empêche, même si cela paraît toute une aventure, de tenter de réveiller plus franchement notre conscience paysanne. Ré-accéder à des parcelles de terre, les mettre en culture, créer son habitat, produire sa nourriture, construire patiemment un réseau social élaboré, tout cela est heureusement encore possible, ici et maintenant. Adopter le mode de vie paysan par l’agriculture, ce n’est pas rejeter notre société actuelle. C’est juste se mettre en position de la faire évoluer en chan­geant déjà nous-mêmes notre rapport au monde et aux autres.

    Pour entamer un tout début de réflexion dans cette direction, mais sans entrer direc­tement dans les détails techniques des cultures agricoles, de l’auto-construction ou de la création de véritable réseaux sociaux, je me limiterai ici à présenter quelques informations importantes et souvent méconnues :

    Savez-vous qu’il est possible d’être reconnu par l’administration comme agriculteur même si l’on n’a aucun diplôme ? Il suffit d’avoir à sa disposition, en achat ou en location, une surface de terre minimale. En fonction du type de culture, la moitié d’un hectare peut suffire pour obtenir le statut d’agricul­teur. Sans cette surface minimum, il est cependant possible de cultiver des terres et de vendre sa production avec le statut de «cotisant solidaire». Environ 100 000 personnes sont concernées en France.

    Un hectare représente 10 000 m2, soit un carré de 100 mètres de coté. Une personne peut produire, dans de bonnes conditions, tous ses légumes pour l’année sur 200 m2 ou 500 m2.

    Il est possible de cumuler un emploi salarié avec un statut agricole, voire dans certains cas le chômage ou le RSA.

    Au moment de l’installation, dans la majorité des cas les terres agricoles ne sont pas vendues mais sont louées à l’agriculteur par le ou les propriétaires. Le prix de la location excède rarement les 150 euros à l’hectare par an pour un terrain nu. La location agricole donne lieu à un bail qui, depuis la révolution Française, est chargé de protéger le paysan « fermier » contre les éventuels abus des propriétaires. LA TRAVERSE #2 | page 81

     

    ☀ Le prix d’achat d’un hectare de terre agricole hors zone spéculative est com­pris entre 1000 et 8000 euros l’hectare.

     

    Si vous êtes agriculteur, les mairies peuvent vous autoriser à construire des bâtiments agricoles, voire votre logement personnel sur des terrains agricoles non constructibles mais consti­tutifs de votre « exploitation ».

     

    Il existe certainement autour de votre lieu de vie des agriculteurs proches de la retraite prêt à aider de futurs paysans en qui ils auraient confiance. Chaque année, des dizaines de milliers d’agricul­teurs sont concernés.

     

    Il existe un syndicat d’agriculteurs, la Confédération Paysanne, qui milite pour un territoire avec de nombreux paysans, et soutient les initiatives en ce sens. Elle espère en France un contexte politique qui favoriserait l’installation de quelques centaines de milliers de paysans supplémentaires. Ce syndicat a créé une association départementale pour le développement de l’emploi agricole et rural, l’ADDEAR, qui aide les personnes souhaitant cultiver la terre. La Confé­dération Paysanne est membre de Via campesina1, un mouvement internatio­nal dont l’objectif est de relier entre eux les très nombreux petits paysans du monde entier.

     

    Toutes ces pistes constituent autant de points d’appuis vers la voie agricole. Avec de l’entraide amicale et paysanne, de la débrouillardise et de la ténacité, une menta­lité décroissante économe, un soutien de citoyens “consommateurs’’ locaux (voir Traverse 1), il est tout à fait possible d’imaginer une installation paysanne très progressive, sans aucun endettement. Cela signifie qu’en quelques années, vous pouvez réussir le tour de force d’avoir créé et financé votre modeste logement, d’être capable de générer 50% de votre nourriture, tout cela en ayant tissé des liens étroits avec les voisins intéressés par vos pratiques, mais aussi avec des amis en quêtes d’alternatives communes.

     

    Une ferme peut devenir le point d’appui de coopératives alimentaires, de systèmes de trocs à l’échelle locale,  de caisses de solidarité, de réseaux d’échanges de savoir, de potagers collectifs, de lieux de formation, de collectifs de soutien aux mou­vements sociaux, de centre d’accueil de personnes en difficultés... L’éventail des possibles ne dépend que de notre imagination et de notre capacité à construire patiemment des organisations collectives solidaires et efficaces. Cela signifie qu’en quelques années, il est possible de moins dépendre de l’État, du salariat, de la mon­naie, des entreprises et de toutes les superstructures qui, sous couvert d’exister pour nous, agissent la plupart du temps contre nous. Face aux crises économiques, écolo­giques et politiques que nous connaissons actuellement, renforcer notre autonomie paysanne me semble l’une des principales urgences des années à venir, une urgence raisonnable et possible.


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